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Les enjeux de l’édition 2025 des Cannes Lions

Les enjeux de l’édition 2025 des Cannes Lions

// Une 72e édition de la maturité ?

Par Élodie C. - le 16 juin 2025

Au moment d’écrire ces lignes, l’édition 2025 n’est pas encore officiellement lancée qu’on connait déjà LE sujet dont tout le monde va parler sur la Croisette : le départ annoncé de Mark Read, big boss de WPP (Ogilvy, VML et WPP Media – ex GroupM), pour la fin d’année. Cette sortie s’opère dans un contexte difficile. Comme nous l’analysions récemment le CEO de WPP tire sa révérence après 7 années à la tête du groupe et 30 ans passés en interne. 

Une transition qui intervient alors que le géant britannique traverse une passe plus que délicate : le groupe a perdu son titre de numéro un mondial au profit de Publicis l’an dernier – en attendant que le conglomérat Omnicom IPG prenne le lead -, son action a chuté de 34 % depuis janvier, et le groupe aurait a perdu, en mars, les 700 millions de budget média de Coca-Cola aux États-Unis au profit de Publicis (encore), ET tout récemment, le budget média mondial de Mars estimé à 1,7 milliard de dollars au profit de… Publicis (toujours). Il vaut mieux ne pas être dans les parages quand les deux groupes vont se croiser dans les allées climatisées du Palais. Ou alors, prenez un siège et du popcorn… Maintenant que le sort de Mark Read n’est plus l’objet de rumeurs, gageons que les paris autour de son successeur vont prendre le relais.

À rebours du sentiment général transmis par le secteur français, Publicis vit donc sa meilleure vie : une crise, quelle crise ? Déjà shortlisté 22 fois avant même l’ouverture des portes du Palais, Publicis Conseil semble bien parti pour trébucher sur quelques Lions, voire des Grand Prix. Suffisamment pour opérer la même razzia que l’année passée ? 63 % des lions français étaient alors revenus à Publicis Groupe et 37 % à Publicis Conseil et en sus, Publicis Conseil avait été couronnée agence de l’année, Publicis, 2ᵉ réseau de l’année et Marcel (groupe Publicis), agence entertainment de l’année.

La concurrence est bel et bien là puisque 26 900 campagnes ont été soumises pour cette 72e édition. Un tantinet plus que l’année passée (26 753) mais toujours moins que 2019, année record. Le volume d’entrées a ainsi chuté de près de 15 % après 2019, mais semble stabilisé depuis 2022, autour de 26 000 cas. Les marques et agences continuent de sélectionner finement leurs campagnes, dans un contexte de pression budgétaire, mais aussi de recherche de performance créative démontrable. Le nombre de candidatures émanant d’agences indépendantes a augmenté de 18 %. De quoi challenger les groupes historiques et redistribuer quelques cartes dorées.

Petit rappel : seuls 3 % des campagnes remportent un Lion. L’exigence du jury reste élevée, et certaines catégories peuvent ne pas remettre de Grand Prix chaque année, à l’image des Creative Effectiveness ou des Titanium. Une rareté qui renforce la valeur du trophée – et la nécessité de comprendre les tendances de fond qui influencent les jurés.

🦁 Des Lions qui se stabilisent après Covid

2019 : 932 lions
2020/21 : 982 lions
2022 : 826 lions
2023 : 876 lions
2024 : 841 lions

L’IA générative passe de l’expérimentation à l’industrialisation

2023 fut celle des premiers essais. 2024, celle des prompts maîtrisés. 2025 pourrait bien consacrer les premiers workflows créatifs réellement hybrides, où l’humain et l’IA co-pilotent script, direction artistique, production… et où la mention “IA utilisée” ne fait plus débat, mais fait “juste” partie des crédits. Reste à convaincre les jurés, de plus en plus attentifs à trois lignes rouges : la qualité créative (encore trop inégale), le respect des droits (auteurs, talents, data), et l’éthique visuelle (faut-il dire qu’une image est générée ?).

À suivre : les campagnes primées qui assument leur part d’IA, sans la surjouer.

La publicité, miroir ou moteur culturel ?

Face à une société fragmentée et un contexte géopolitique éruptif et toujours très incertain, certaines campagnes tentent encore de jouer un rôle d’unification. Narration longue, récits générationnels, grands enjeux collectifs (égalité, climat, représentations) : les publicitaires renouent avec la fresque. Mais la question demeure : dans un monde où chacun vit dans sa propre bulle algorithmique, où l’IA vend de l’ultra personnalisation, la publicité peut-elle encore faire lien ? Ou n’est-elle qu’un écho parmi d’autres ?

À suivre : le retour en force du sport, de la musique et des formats “pop culture” dans les campagnes primées.

Nouvelles plateformes, nouveaux réflexes créatifs

TikTok (et son pendant shoppable), Roblox, Twitch, retail media, search LLM… Les marques ont investi de nouveaux territoires d’expression. Place maintenant à la maturité créative sur ces canaux. Premières activations en IA conversationnelle, storytelling immersif, campagnes sur mesure pour les environnements e-commerce ou search génératif : les cases les plus avant-gardistes seront celles pensées nativement pour ces contextes.

À suivre : les gagnants en Creative Commerce, souvent révélateurs des mutations silencieuses à l’œuvre. Gagnant 2024 ? Cars to Work, de Renault, par Publicis Conseil. À nouveau shortlisté cette année en Glass : The Lion For Change.

Engagement sociétal : fin de la naïveté (enfin)

La mode du “purpose washing” s’est essoufflée, et c’est tant mieux (Unilever a sonné la fin de la récrée dès 2023 au profit de la croissance). Tout comme celle de la bienveillance diffusée à tous les étages post Covid. Pour espérer remporter un Lion, les campagnes à impact devront démontrer leur efficacité réelle : transformation de produit, changement de comportement, preuve d’engagement. Les jurés se montrent de plus en plus exigeants : les belles intentions ne suffisent plus, seul le concret compte et le “service” rendu aux consommateurs et à la société.

À suivre : la catégorie Sustainable Development Goals, baromètre utile de la créativité… utile. Grand Prix 2024 ? Oui… encore eux : Cars to Work, de Renault, par Publicis Conseil.

Moins de budget, plus d’idées ?

Enfin, dans un contexte économique tendu, où la frugalité devient vertu (indice : certaines agences françaises ont fait l’impasse sur Cannes cette année ou alors en délégation réduite), le craft revient au centre du jeu. Fait maison, économie de moyens, exécution millimétrée : certaines campagnes impressionnent davantage par leur ingéniosité que par leur budget. De quoi réconcilier performance, originalité et efficacité, tout en répondant aux nouvelles attentes business des annonceurs.

Cette année, la catégorie Design et Creative B2B connaissent une forte croissance, la Strategy Track augmente de 10 % par rapport à l’année précédente et le Glass, qui célèbre son 10e anniversaire, voit le nombre de candidatures augmenter de 53 %.

À suivre : les productions “low cost, mais high impact”, souvent issues d’agences indépendantes, qui signent cette année +18 % de candidatures.

2025 pourrait donc être une année charnière : celle de la maturité IA, du retour aux récits collectifs et d’une créativité mesurée à l’aune de son efficacité réelle. Les Lions se méritent toujours, et c’est tant mieux.

Les nouveautés des Cannes Lions 2025

CREATIVE COUNTRY OF THE YEAR (nouvel Award)
Pour la première édition, le Brésil est à l’honneur. Le marché affiche une performance constante malgré un marché publicitaire de taille modeste. Ce qui ne l’empêche pas d’être dans le Top 3 des pays les plus récompensés en 2024, derrière le Royaume-Uni et les Etats-Unis avec 78 Lions.

CREATIVE CHAMPION OF THE YEAR 
Shantanu Narayen, CEO d’Adobe, sera récompensé pour son soutien à la démocratisation de la créativité via la technologie (notamment IA).

SOCIAL & CREATOR LIONS
Un nouveau nom et repositionnement de la catégorie « Social & Influencer », désormais centrée sur l’économie des créateurs avec 5 sous-catégories pour refléter la montée en puissance des talents indépendants et créateurs natifs.

RETAIL MEDIA
Ajoutée dans les Media Lions et Creative Commerce Lions, cette nouvelle sous-catégorie vise à récompenser l’usage stratégique du retail media pour amplifier la pertinence des marques.

LONG-TERM BRAND PLATFORM 
Cette nouvelle sous-catégorie transverse récompense les plateformes de marque ayant minimum 3 ans de durée de vie, avec preuve de résultats business durables.

B2B SUMMIT 
Un nouvel événement en partenariat avec LinkedIn (le 17 juin à l’hôtel Carlton) dédié aux professionnels B2B (marketers, décideurs, créatifs) avec networking, conférences et cas d’école.

COUNTRY PAVILIONS
Une initiative internationale dont l’objectif est donner une scène visible à Cannes à plus de pays.

GLASS : THE LION FOR CHANGE 
Le prix est redéfini avec une extension du scope au-delà des questions de genre : inclusion des enjeux liés au handicap, aux origines, à la religion, à la sexualité, etc. A cela s’ajoute la nécessité pour les entrants de préciser la communauté ciblée, la problématique et l’impact durable.

YOUNG LIONS 30e Anniversaire
Lancé en 1995, cette édition célèbre 30 ans de compétitions internationales pour jeunes talents (lancées en 1995). Une célébration spéciale avec 460 compétiteurs de 67 pays, et le retour de l’Ukraine, l’Uruguay, le Venezuela. Remise des prix vendredi 20 juin sur la Terrace Stage (10h–12h).

SAFE ZONE
Pour cette 72e édition, des « safe zones » ont été mises en place pour accueillir les festivaliers en situation de détresse physique ou émotionnelle. Cela fait suite aux nombreuses alertes et les témoignages de festivalières sur le harcèlement que certaines ont subi l’année dernière.

Ces espaces seront occupés par des professionnels qualifiés jusqu’à 22 heures par jour, entre 8h30 et 6h30, pendant toute la durée du festival. Les zones sécurisées dédiées seront installées au sein de la salle principale du Palais des Festivals, ainsi qu’à la Terrasse Pantiero — à proximité de l’espace d’inscription — et au parc de la Roseraie.

The EFFIE LIONS FOUNDATION
Lancée en juin 2025, la Effie Lions Foundation est une organisation à but non lucratif née de la fusion entre Effie Worldwide et LIONS (Cannes Lions, WARC, Contagious). Sa mission : rendre l’industrie du marketing plus créative, efficace et inclusive, en facilitant l’accès aux opportunités pour les étudiants issus de milieux sous-représentés.

La fondation propose des programmes éducatifs comme Effie Collegiate, des ressources en ligne (Effie Fundamentals, Creative Accelerator, accès à The Work et LIONS Intelligence), et met en lien jeunes talents, marques et agences. Elle est dirigée par Allison Knapp Womack, avec un board composé de figures de l’industrie comme Philip Thomas (LIONS) et Jae Goodman (Effie).